
"Où est Charlie ?" A gauche, derrière cette jeune ingénieur Bac+5, l'auteur de la révolution sociale et son Bac L se sont introduits au grand barnum bidon d'Akka
Toujours en pointe de la fausse modernité et du « bling bling » social, les SSII se lancent dans les job-dating, ces entretiens d’embauche qui ont lieu dans des bars branchés. Akka Technologies, la SSII de Maurice Ricci, a ouvert le bal à Toulouse. Steria va en organiser un la semaine prochaine et le concept existe déjà en région parisienne. Avec le collectif sous-traitant 31, nous avons décidés de démontrer le ridicule de ces événements. Avec mon seul Bac littéraire, j’ai réussi à me faire passer pour un ingénieur Bac+5 auprès de mon éventuel futur patron. Reportage.
« Le patron offre 180 emplois à l’apéro », titrait La Dépêche du Midi le 18 janvier dernier. Le patron, c’est Bertrand Souharce, le directeur régional d’Akka technologies. Répétant devant les caméras de France 3 le gros mensonge du Syntec numérique sur la « pénurie de main d’œuvre dans le secteur » , il ne semble pas à un bidonnage près. Le collectif sous-traitant 31 comptait bien le ramener à la réalité sociale de son entreprise. Nous nous sommes donc concoctés de faux CV pour s’immiscer dans la soirée. Je suis Sébastien Cotten, « ingénieur en charge du développement complet des centrales inertielles destinées aux programmes Airbus A380/A350 ». Je n’y comprends pas un traître mot à ce charabia. « Ne t’inquiète pas, me rassure Jérémie Caradec. Ce sont des commerciaux qui vont faire les entretiens, ils ne s’y connsaissent pas plus et fonctionnent par mots clés. Regarde juste sur Wikipédia ce qu’est une centrale inertielle. »
C’est donc avec mon CV de mots clés et la maigre définition lue sur le net que je me suis présenté mardi dernier devant l’I-Bar, un lieu branché de la Ville rose. Jérémie Caradec, Michel Laporte, Simon Pujol, Paul Guérin et Pascal font partie de la cinquantaine d’ingénieurs présents, en majorité trentenaires, et qui mettront une bonne heure à rentrer. « C’est minable de faire ça, il faut vraiment avoir faim car ça fait crève-la-dalle », lance un jeune homme lucide. Mon tour arrive. Je m’engouffre pour me retrouver devant un second barrage : deux managers font un tri en fonction des CV. « Ah, vous maîtrisez l’EFCS? », me lance-t-il. « Oui, tout à fait ! », je lui réponds avec un certain aplomb. « Et bien, entrez et bon courage pour la suite ! ». Oufff !!! je suis passé.
« Les trois mots qui caractérisent Akka Technologies, ce sont les trois mots qui caractérisent sa culture : le respect, l’ambition et le courage. Derrière ces trois mots très simples, on peut décliner l’ADN du groupe », déblatère Maurice Ricci, Pdg d’Akka et 390ème fortune française (75 M€), dans l’une de ses vidéos de propagande. Mon ADN se gargarise donc de courage pour affronter cette fausse fête mondaine où le sourire semble de rigueur : « be happy ! »
Après avoir récupéré deux tickets boisson, une décharge où Akka se défausse quant à mon éventuel taux d’alcoolémie, une carte à l’effigie du rugbyman Jean Bouihou, l’homme sandwich de la soirée, et un bulletin pour participer à la loterie et gagner le smartphone dernier cri, je file au bar pour commander une bière. L’ambiance est très « friendly » et des managers déguisés en Gentils Organisateurs du Club Med tapent la discute dans leur costard-cravates impeccables. Ils ne mettront pas longtemps à me mettre la main dessus : « Bonsoir, vous recherchez dans quel métier ? » Jean-Bernard Delon me fait face et se présente comme « le patron de 450 personnes » car il gère les Centres de services d’Akka. « Exactement votre métier », me lance-t-il à la vue de mon CV. J’ai tiré le gros lot ce soir ! J’évite soigneusement les questions techniques pour foncer sur quelque chose de plus général. Je lui raconte que je m’ennuie là où je suis car les « process » sont longs, qu’on me relègue souvent au second plan alors que j’aime relever des « challenges » car je suis quelqu’un de « proactif ». « Ok, me répond-il. Vous préférez être un décideur qu’un suiveur ! Finissez votre bière et montez là-haut pour un entretien ! » Je m’exécute.
Pendant ce temps-là, mes comparses du Collectif sous-traitant 31 ont fait leur pêche à l’information et ont inondé les toilettes de tract intitulés : « Mais pourquoi Akka fait son job-dating ? » Voici un récit croisé de leurs entretiens. Jérémie Caradec a fait un entretien de dix minutes : « Un « manager/recruteur » m’a fait signe, raconte-t-il. En passant devant les tables, une autre recruteuse, attablée avec son verre de vin, attend patiemment, sans daigner se déplacer pour accueillir les candidats. Elle dit à sa collègue : » je suis pas à leur service, ils n’ont qu’à venir à moi ! » L’ambiance est donnée. Jérémie poursuit : « je fais ensuite face à une personne dont j’ignore totalement le poste, le nom, la spécialité ; beau professionnalisme… Il me laisse me présenter sans commentaires, apparemment peu concerné par le truc . Il peine à remplir son formulaire type qu’il a devant lui pendant que je lui présente mon parcours. Il n’en a apparemment pas grand-chose à faire car il ne connait pas le domaine. Bref, le recruteur est un vulgaire acteur qui ne connait rien et ne cherche qu’à récupérer le CV », conclu-t-il.
Effectivement, l’opération ressemblait plus à la constitution d’une énorme CVthèque, une grosse ficelle des SSII qui vont démarcher des clients avec des profils qu’ils n’ont pas en interne…
Pascal, lui, a abordé la politique salariale d’Akka avec sa recruteuse : « est ce que vous chercher à garder les gens comme moi qui ont un peu d’expérience, ou pas du tout ? », lui a-t-il demandé d’emblée. « Nous cherchons effectivement à fidéliser nos collaborateurs, répond la jeune femme. Pour vous donner une idée, l’année dernière nous avons eu un turn over de 13%, ce qui est vraiment pas mal pour une société de services, si vous comparez ce chiffre à celui des concurrents. » Autre caractéristique des SSII : le turn-over ou rotation de personnel. Alors qu’il n’est que de 8% tout secteur confondu, il culmine à 15% en SSII !!! De quoi expliquer la « pénurie de main d’oeuvre » du dandy informatique Souharce.
Mais Pascal est un chanceux : après son entretien, il s’est fait, lui aussi, alpaguer par Jean-Bernard Delon qui aura été très actif ce soir-là. Goûtez le dialogue :
– Je peux vous renseigner ou on a déjà répondu à toutes vos questions ?, interpelle-t-il.
– J’ai déjà passé un entretien à l’étage, mais je n’ai pas trop eu le temps de discuter de la politique salariale d’Akka, lui répond Pascal.
– Bon, avant tout, c’est une entreprise d’hommes. Sans les hommes, il n’y a rien !, lance JB. Et à Akka, on met l’accent là-dessus. On a des process en place qui obligent les managers à rencontrer les collaborateurs (sic) régulièrement. (Faut-il rappeler à notre ami JB que « collaborateur » n’a aucun fondement juridique ? Seul le terme « salarié » fait foi dans l’entreprise.)
– Je vois. Et au niveau évolution de carrière, comment ça se passe ?, continue Pascal
– Alors, on est dans une société de services, donc on ne parle pas de plan de carrière, mais d’opportunités de carrière (re-sic), révèle notre winner JB. Je ne peux pas dire à un mec que j’embauche, qu’aujourd’hui il est dessinateur CAO, que dans deux ans il sera ingénieur système, et que dans trois ans il sera ailleurs. Par contre, si on remarque qu’un gars a un potentiel, et qu’il a fait ses preuves, alors dès qu’une opportunité se présentera, on fera notre possible pour le mettre dessus.
– Et comment évaluez-vous le potentiel d’un collaborateur ?, ose notre ingénieur incrédule.
– On a des outils et des process en place, c’est ce suivi étroit avec les managers, ces visites régulières qui permettent de bien connaître les collaborateurs.
– Je suis assez sensible à la manière d’évaluer les collaborateurs pour leur attribuer une augmentation, car ça ne se passe pas toujours bien, et on a parfois de grosses surprises, déconnectées de la réalité du terrain.
– Oui c’est vrai, ça peut arriver, admet JB. A Akka, on a mis en place une cellule RH spécifique, vers laquelle le collaborateur peut se retourner en cas de désaccord avec le manager, où si ça ne « passe pas » avec lui. C’est une sorte de dérivation, de soupape qu’a le collaborateur.
– Et à quoi cela peut aboutir si le collaborateur se saisi de cette cellule ?, demande Pascal
– L’important, c’est qu’il soit écouté, et si on se rend compte que dix mecs ont recours à cette cellule à cause d’un même manager, on se dit qu’il y a un soucis, et on ira voir le manager en question, conclu Jean-Bernard qui préfère visiblement l’écoute à l’action.
Ce job-dating était donc une fumisterie et a bien montré en quelle estime les directions de SSII qui y ont recours tiennent leurs salariés. Que faut-il penser de tels agissements pour recruter des jeunes femmes et des jeunes hommes qui ont cinq années d’études poussées et leur demander de se justifier devant des commerciaux (bac+2) entre deux bières ? Ces jeunes gens n’étaient pas du dupes et, à la sortie, l’un d’eux a expliqué : « je joue le jeu mais qu’est-ce que vous voulez, j’ai besoin de boulot. »
« Bon, avant tout, c’est une entreprise d’hommes. Sans les hommes, il n’y a rien ! » dit JBD qui a passé quelques mois à virer plusieurs personnes par jour suite au rachat de COFRAMI par AKKA. Bah, du moment qu’il peut se regarder dans une glace …
J’ai entendu dire qu’Akka allait remettre ça le 16 mars dans un bar parisien ! info ou intox ?
Je n’ai pas l’info’ mais Akka ne s’est pas caché de renouveler ce type de soirées. A suivre donc …
En tout cas, toute cette quincaillerie et ce bazar de recrutement, la plupart des salarié-e-s AKKA les découvre dans la presse. Y compris les représentants du personnel.
Car très peu sont mis au courant de ces méthodes de l’entreprise hormis les gentils organisateurs.
En effet, la direction AKKA passe allègrement outre l’article L2323-32 du code du travail qui stipule précisément :
« Le comité d’entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci. »
Un mauvais point supplémentaire pour la direction AKKA.
Je tombe par hasard sur cet article…
Je dois avouer que je trouve ridicule ce genre de soirée job dating, mais je trouve tout autant ridicule de dénigrer une personne comme JBD qui est très loin d’être au niveau désastreusement bas de nombreux autres managers de SSII.
D’ailleurs beaucoup d’entre elles n’oseraient pas s’exposer de la sorte de par leur politique managériale et salariale.
C’est facile de critiquer et mais moins d’aller voir ailleurs.
Ceci dit il y aurait beaucoup à dire sur Akka et ce en restant OBJECTIF si vous voyez ce que je veux dire…