L’Agence pour l’emploi des cadres (Apec) et le Syntec numérique livrent leur baromètre du troisième semestre 2011 sous le nom : « 2011 : très bonne année pour l’emploi des cadres ». Si, à première vue, il est résolument optimiste, en lisant entre les lignes, le propos est vite modéré. Décryptage.
L’optimisme forcené du Syntec numérique
Une des grandes qualités du Syntec numérique est l’optimisme forcené dont fait preuve ses ouailles. A les écouter, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes informatiques. Ainsi, si « 91 % des entreprises de plus de 100 salariés du secteur Informatique ont recruté au moins un cadre au troisième trimestre 2011 », est-il écrit, « on peut toutefois noter que la part des entreprises ayant recruté au troisième trimestre est légèrement inférieure aux prévisions émises le trimestre précédent », poursuit le document. Avant que son rédacteur ne lâche : « ce qui peut témoigner d’un climat légèrement incertain ».
La communication du Syntec numérique réside en effet dans ces effets d’annonce : on prévoit toujours beaucoup pour finalement décevoir. D’ailleurs, ce « climat légèrement incertain », n’empêche pas le Syntec de rajouter une bonne couche de bonne humeur : « Le secteur confirme malgré tout le très grand optimisme dont il fait preuve depuis le début de l’année 2011. Ainsi, 98 % des entreprises interrogées prévoient de recruter au quatrième trimestre 2011, soit nettement plus que l’ensemble des entreprises interrogées dans le cadre du Baromètre Apec (53 %) ». Là encore des incantations qui risquent de décevoir…
Après les départs en masse, les recrutements en masse
« Le seul élément de certitude pour le secteur Informatique est la bonne année 2011 avec sans doute davantage de cadres recrutés par rapport à 2010 ». Les entreprises du numérique ont « sans doute davantage » plus recruté en 2011 (on n’en est plus sûr) et « les trois quarts envisagent de maintenir les recrutements de cadres prévus dans les six prochains mois. » Des incantations, là encore, mises en perspective par la phrase qui suit : « Par rapport aux autres secteurs, les entreprises informatiques sont plus nombreuses, en proportion, à prévoir à la fois de réduire et d’augmenter leurs plans de recrutement à six mois ». Alors, on réduit ou on augmente ? Même l’Apec et le Syntec numérique semblent perdus.
Ce qu’on ne peut pas nier, c’est que les recrutements sont repartis à la hausse. C’est incontestable ! Mais la raison n’est pas aussi enjôleuse. Effectivement, la crise, qui a quelques peu épargnée les dirigeants et actionnaires, a été supportée en grande majorité par les salariés. A titre d’exemple, Groupe Open dirigée par le président du Syntec numérique, Guy Mamou-Mani, a utilisé ses chers « collaborateurs » comme variable d’ajustement. Et, maintenant que l’activité reprend, les bras manquent. Et on peut être sûr que Groupe Open n’a pas été la seule SSII a user du procédé comme l’actualité va nous le démontrer dans les jours qui viennent.
L’indicateur bidon
On peut aussi s’interroger sur les indicateurs choisis pour définir ce baromètre. Ainsi, l’Apec et le Syntec numérique nous certifient que : « L’évolution de la volumétrie des offres reste toutefois un indicateur pertinent d’évolution du marché. » Inquiétant quand on sait, comme je l’ai démontré dans le livre (témoignages et étude de l’Apec à l’appui) que les SSII sont grosses pourvoyeuses d’offres d’emploi bidonnées. Elles servent souvent à la communication d’un groupe ou à grossir des banques de CV dont les postulants n’auront des fois jamais d’entretiens. Alors est-ce une si bonne nouvelle quand on nous dit : « Par rapport au troisième trimestre 2010, le volume des offres en Informatique diffusées sur le site de l’Apec a progressé de 35 % » ?
La pénurie de candidats, leitmotiv du Syntec numérique
Dans cette jolie communication qu’est ce baromètre, le Syntec numérique ne manque pas d’user des vieilles ficelles à l’image du leitmotiv : la pénurie de candidats adaptés. « 83 % des recruteurs interrogés trois à six mois après la parution d’une offre sur le site de l’Apec jugent qu’il leur a été difficile de trouver des candidats adaptés au poste à pourvoir. » C’est que « la tension est fortement perceptible dans le secteur informatique » et que « le marché est également plus tendu par rapport à l’an passé à la même période ». La gestion à flux tendu des effectifs comme on peut le faire du stock de ramettes de papier ou de stylos trouvent là sa limite.
Il est difficile de trouver la perle rare au pied levé pour répondre à un contrat pressant. Le recrutement et la formation sont des étapes longues et rigoureuses. Et le secteur informatique n’a jamais brillé par sa gestion des ressources humaines.
L’informatique aime les jeunes
Les diplômés de la filière informatique étaient à 88% « en emploi au printemps 2011, soit un taux d’emploi 17 points plus élevé que les diplômés de l’ensemble des filières. » Là encore, ce qu’on essaie de nous faire passer comme une réussite a une toute autre logique. L’informatique aime les jeunes, là aussi c’est indéniable. La preuve ? « Les cadres du secteur sont plus jeunes que l’ensemble des cadres. 46 % des cadres du secteur informatique ont moins de 40 ans, contre 43 % dans l’ensemble des secteurs d’activités. »
Par exemple, en SSII, les seniors sont poussés vers la sortie car ils ont la mauvaise habitude d’être mieux payés. On leur préfère généralement des jeunes plus malléables et moins bien rémunérés. Oui, mais avance le baromètre : « le salaire médian des diplômés de l’informatique atteint 33 600 euros, soit 6 000 euros de plus que celui de l’ensemble des diplômés et en nette progression par rapport à l’année dernière (30 900 euros). »
Rappelons, selon la définition de l’Insee, ce qu’est le salaire médian : « Salaire tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l’autre moitié gagne plus. Il se différencie du salaire moyen qui est la moyenne de l’ensemble des salaires de la population considérée. » Donc, si 50% des jeunes diplômés de l’informatique gagnent plus de 33 600€ (soit 2 800€ bruts par mois), 50% gagnent moins.
On le voit bien, une fois décortiquée, ce baromètre tente surtout de maquiller une situation qui reste précaire pour les salariés de l’informatique. Le Syntec numérique approuvé ici par l’Apec n’a qu’un objectif : communiquer sur l’optimisme du secteur. Et, à n’en pas douter, la presse informatique va se ruer dessus à coup de : « L’emploi des cadres se porte bien dans l’informatique » ou encore « Les jeunes diplômés de l’informatique ont tous des gros salaires ». L’opération de communication aura ainsi rassuré clients et actionnaires.
SUR LE MÊME THÈME :
« La conférence de presse tenue le 17.11.2011 par M. Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique, restera probablement dans les annales de la profession, tellement certains propos furent surréalistes et décalés.
Le MUNCI a été conspué parce que nous avons la mauvaise idée de reproduire des statistiques publiques concernant notre marché du travail qui n’arrangent pas la chambre patronale.
Evidemment, c’est « de bonne guerre »… mais il est navrant de constater jusqu’à quel point le président du Syntec numérique peut tomber dans la désinformation, le grotesque et le dénigrement. »
La suite sur :
http://munci.org/Emploi-l-insoutenable-legerete-du-Syntec-Numerique-et-de-son-President