Le groupe Areva est-il en marche vers son démantèlement ?

Les salariés du groupe Areva en grève à Bagnols-sur-Cèze (Gard)

Les salariés du géant du nucléaire Areva étaient appelés hier à la grève. Moment historique pour le groupe car l’ensemble des filiales ont participé au mouvement. S’ils défendent leurs salaires et l’emploi, la menace plane sur certaines filiales.

« Une grève historique dans le groupe Areva » titre aujourd’hui L’Humanité. Hier, vingt-cinq actions étaient organisées en France à l’appel de l’intersyndicale pour défendre l’emploi et les salaires chez le géant énergétique. Le PDG, Luc Oursel, a effectivement annoncé son Plan d’actions stratégiques le 13 décembre dernier (à lire ici). Le gel des salaires au niveau du groupe en 2012 et des embauches dans les fonctions supports sont au cœur de la nouvelle stratégie. Hier, à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, les salariés du site de Marcoule étaient rassemblés au petit matin devant les bureaux d’Areva.

Quid des fonctions supports ?

« C’est la première mobilisation dans le groupe le même jour ! », constate Patrick Lescure, coordonnateur CGT Areva à Marcoule. Il explique : « la direction a annoncé son intention de geler les embauches sur les métiers supports qui concernent près de trois cents personnes. » Ces fonctions représentent les ressources humaines, le juridique, l’informatique, etc. « En ce qui concerne les fonctions opérationnelles, on ne sait pas ce qu’ils veulent faire », poursuit le syndicaliste.

Ce qui peut être imaginé, c’est qu’Areva sous-traite l’ensemble de ses fonctions supports dont la filiale Euriware qui est sa société de services informatiques. D’ailleurs, les salariés d’Euriware ont déjà manifesté l’année dernière pour dénoncer leurs conditions de travail (à lire ici). Mais dans un secteur qui se gargarise d’assurer une sécurité maximale et dont la moindre information est « Secret défense », la sous-traitance de données sensibles est-elle réellement appropriée ?

Gel des salaires

« En termes de salaires, c’est l’auberge espagnole chez Areva ! », s’emporte Pierre Lescure. Alors quand Luc Oursel annonce le gel de l’ensemble des salaires en 2012, les salariés n’ont pas hésité à se mobiliser hier par une grève de cinquante neuf minutes. « Après deux rencontres avec la direction, elle a finalement décidé unilatéralement de donner une prime de 500€ pour tous. Mais il n’y a aucune augmentation individuelle ! », s’indigne Patrick Lescure.

Areva refuse effectivement toute négociation sur le sujet arguant du fait que les caisses du groupe sont vides. La CGT n’est pourtant pas gourmande revendiquant une hausse de 70€ bruts par mois pour tous les salariés. Manu Joly, délégué CGT à Areva NC (combustible), explique : « il y a une grosse participation des filiales à ce mouvement car leurs salaires sont moins élevés. Par exemple, dans la filiale nettoyage, ils sont payés au Smic alors si en plus on gèle leurs salaires… » Autre problème d’ordre légal cette fois. « Les négociations salariales ne peuvent pas se décider au niveau du groupe mais à celui de chaque entité », explique Jean-Marie Robert, secrétaire adjoint de la CFDT du site de Marcoule.

Un salariée de MSIS Assistance, la filiale en charge du démantèlement, poursuit : « Nous sommes une petite boîte avec seulement deux cent personnes en France. Nos conditions sont moins favorables alors que nous avons une très bonne rentabilité. Ça nous embête d’être mis sur le même pied d’égalité que les grosses boîtes. » Les salaires d’entrée chez MSIS Assistance vont de 1500 à 1800€ bruts par mois. Là encore, un gel des salaires aura une conséquence directe sur le pouvoir d’achat. « J’ai le même salaire depuis treize ans ! », s’emporte une salariée de la filiale. « J’ai donc été très vite rattrapée par l’inflation », constate-t-elle.

« Areva va vendre vingt-cinq filiales pour payer les salaires »

À quoi voit-on un malaise dans une entreprise ? Quand les cadres de la CFE-CGC ramènent leurs drapeaux dans les piquets de grève. Et Cyrille Vincent en charge de l’amélioration de la performance économique chez Melox (filiale en charge de la fabrication du MOX) n’est pas content. « On déplore les conditions d’Areva financièrement et économiquement ! Il y a eu un investissement hasardeux par l’ancienne équipe et les salariés le paient cash ! » Il fait ici référence à l’achat d’Uramin par Areva (à lire ici). « Areva l’a acheté 1,8 milliard d’euros avec en plus 700 millions de travaux », poursuit le délégué CFE-CGC.

« Alors, pour le gel des salaires, ce n’est pas la faute de Fukushima, ce sont les actifs pourris d’Uramin. L’augmentation des salaires correspondrait à 50 millions d’euros, soit trente-six fois moins que le capital investi dans Uramin. » Et la solution qui semble avoir été trouvée par Areva est la suivante : « On voit se profiler la vente de filiales, vingt-cinq vont être vendues pour payer les salaires », assure la CFE-CGC. « On est écoeurés ! », conclut son délégué.

Si pour le moment, tout projet est suspendu dans l’attente de l’élection présidentielle, la crainte se fait pour la suite. Areva ne cache pas entamer des restructurations de fonds comme l’annonce son document de référence 2010 (à lire ici). Au chapitre « Risques liés aux ressources humaines » (page 37), la direction annonce : « Dans le cadre de l’évolution du groupe, des réorganisations ou restructurations, potentiellement accompagnées de mouvements sociaux, sont susceptibles de perturber le fonctionnement de son activité et d’impacter sa situation financière ». Et, ces restructurations ne viseraient-elles pas, à termes, le démantèlement du géant du nucléaire français ?

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A propos Nicolas Séné

Nicolas Séné, journaliste indépendant spécialisé dans les questions sociales, a recueilli une foule de témoignages. Il démontre, exemples vécus à l’appui, comment les cadres des SSII sombrent d’année en année dans un marasme professionnel, moral et personnel de plus en plus profond. Un malaise nouveau, typique du capitalisme actuel, dont personne ne semble avoir encore pris la mesure.
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