Ce livre s’attaque à un phénomène encore largement ignoré : la précarisation des cadres. Dans un secteur que l’on croyait favorisé : celui des SSII, les Sociétés de service en ingénierie informatique.
Le statut de cadre, longtemps privilégié, subit depuis quelques années une dégradation sans précédent. Conditions de travail, salaires, management, tout y passe : les ingénieurs informaticiens sont devenus aussi précaires que les ouvriers ou les intérimaires. Leur niveau d’étude et leurs diplômes ne font plus le poids face aux diktats de rentabilité des actionnaires et à la gestion cynique des managers. Cette main-d’oeuvre corvéable à merci est très mal organisée au niveau syndical ; elle subit donc de plein fouet les conséquences de la remise en cause du Code du Travail.
Nicolas Séné, journaliste indépendant spécialisé dans les questions sociales, a recueilli une foule de témoignages. Il démontre, exemples vécus à l’appui, comment les cadres des SSII sombrent d’année en année dans un marasme professionnel, moral et personnel de plus en plus profond. Un malaise nouveau, typique du capitalisme actuel, dont personne ne semble avoir encore pris la mesure.
« Derrière l’écran de la révolution sociale » de Nicolas Séné – Editions Respublica – 14,90€
Bonjour,
Je n’ai pas encore lu le livre, mais je vais m’y employer dans les plus brefs délais. En effet, je travaille en SSII depuis plus de 25 ans et j’ai pris conscience d’une très forte dégradations des conditions de travail tout au long de cette période.
Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une situation particulièrement alarmante et les évolutions récentes (en particulier, l’arrivée du LEAN management) ne font qu’accroître mes craintes sur le sujet.
A travers un engagement syndical, j’essaie de contribuer à hauteur de mes moyens à une prise de conscience des salariés (des « collaborateurs » comme les nomment les dirigeants de SSII) sur la situation telle qu’elle est aujourd’hui et sur les craintes très vives que l’on peut avoir sur l’avenir. Mais dans un monde individualisé à l’extrême, ce combat est difficile. D’autant plus que certaines actions syndicales laissent souvent un arrière-goût amer de compromis (voire de compromission) et ne font qu’isoler encore plus ceux qui tentent de lutter et de mobiliser les salariés.
Le statut de cadre (totalement galvaudé dans ce contexte) détourné par les entreprises pour n’en retenir que le côté « taillable et corvéable à merci », l’individualisation à outrance, les délocalisations, les licenciements pour « insuffisance professionnelle », les plans sociaux, la gestion toujours à la limite de la légalité (quand elle ne déborde pas du mauvais côté), … : on est loin du monde merveilleux des jeunes cadres dynamiques qui s’éclatent dans un monde technologique merveilleux.
Une « bonne » politique RH consiste à embaucher de jeunes diplômés talentueux, à leur faire miroiter un avenir radieux, à les exploiter au maximum pendant 2, 3, 5 ans tout au plus. Quand ils commencent à demander une reconnaissance de leur investissement, on leur conseille vivement d’aller chercher du travail ailleurs.
Seuls ceux qui acceptent de collaborer au système en vigueur peuvent se faire une place au soleil dans l’entreprise.
C’est bien d’un XIXème siècle social dont il s’agit, mais revisité avec des méthodes modernes, beaucoup plus pernicieuses, beaucoup plus hypocrites, beaucoup plus déstabilisantes pour les salariés.
En ces périodes de réforme des retraites, on a beaucoup parlé de pénibilité (certes pour détourner l’attention !). Dans le monde des SSII, la pénibilité n’est pas seulement physique (il y a effectivement de grandes souffrances physiques avec des maux de dos, des céphalées, des problèmes de vue, des souffrances liées aux très nombreux déplacements, …), mais avant tout psychologique : l’insécurité de l’emploi, la disponibilité permanente, la pression des charges de travail et des délais, le harcélèment des managers, la culpabilisation systématique des salariés en cas de problème, l’absence de reconnaissance, … Tous ces facteurs contribuent à provoquer une grande fragilité mentale des salariés.
Le merveilleux monde technologique de l’informatique cache (de moins en moins, grâce à un livre comme celui-ci) une réalité sociale des plus désolantes. Ce n’est pas parce que les entreprises sont relativement jeunes (toutes ont moins de 50 ans), qu’elles n’usent pas de méthodes abjectes pour exploiter leurs salariés.
Espérons que ce livre va éveiller de nombreuses consciences et qu’une résistance va enfin s’organiser pour contrer ce patronat rétrograde qui évolue dans un univers aujourd’hui à sa merci !
« Espérons que ce livre va éveiller de nombreuses consciences et qu’une résistance va enfin s’organiser pour contrer ce patronat rétrograde qui évolue dans un univers aujourd’hui à sa merci ! »
La « résistance » existe depuis 7 ans, elle a pour nom MUNCI !
Après, bien sur, on peut trouver mille raisons pour « chercher midi à quatorze heures » (…)
La résistance n’est pas uniquement au MUNCI. Il y a des syndicats constitués qui savent aussi lutter sans se compromettre.
Le frein majeur au développement des syndicats en SSI, c’est la prestation de service. Il est bien plus difficile pour les salariés d’une même entreprise de s’organiser entre eux, quand ils travaillent tous chez des clients différents, et que chez leurs clients, leurs collègues appartiennent tous à des entreprises différentes.
Sans contact social fréquent dans sa propre entreprise, il est difficile de se rendre compte que le autres salariés de sa boite sont confrontés au mêmes problèmes, et expriment le même ras le bol, avec le mêmesentiment d’isolement
Bonjour,
J’ai pu assister à la rencontre autour du livre à l’initiative de SigmaT à l’université Paul-Sabatier de Toulouse.
Les faits ne peuvent pas être niés, les sujets abordés méritent effectivement d’être débattus.
Le modèle des SSII est difficile à assimiler car il y a fusion entre salarié et produit. Une entreprise emploie des salariés pour produire un bien ou un service vendu.
Dans ce cas « traditionnel », l’investissement pour l’épanouissement de ses salariés permet de rendre l’activité de « production » plus efficiente. L’entreprise peut dégager plus de bénéfice et réinvestir dans des projets d’amélioration ou d’innovation… et ainsi de suite pour maintenir le cercle vertueux…
Or, dans le cas des SSII, il y a 2 types de salarié. Celui au sens « traditionnel » qui fait tourner la machine (managers, commerciaux, RH, administratifs) et l’autre, celui qui est vendu, l’ingénieur.
Dans le modèle SSII, l’ingénieur n’est autre que le produit de l’entreprise. Avec ce modèle, on peut donc se demander quel est l’intérêt pour une SSII d’investir pour valoriser un produit qui se vend très bien en l’état.
C’est un peu le parallèle avec le modèle de la grande distribution. L’objectif initial est de vendre un maximum de produits à faible coût avec un maximum de marge. Au final, les grandes enseignes reviennent en arrière avec des valeurs dites de « développement durable ».
Pour en arriver là, les distributeurs ont dû se rapprocher des fournisseurs, les petits producteurs. Il serait donc pertinent que les SSII s’inspirent des retours d’expérience de leurs « homologues » et recherchent le développement durable en se rapprochant des intérêts de leurs « collaborateurs ».
A quand le label « développeur durable » apposé par Syntec ?
nota : je tiens à corriger l’amalgame qui a été introduit dans le commentaire précédent. Le LEAN (ancêtre industriel de l’AGILITE) est issu d’une culture qui tranche avec le Taylorisme en valorisant le côté humain et la vision long terme par opposition aux objectifs de performance à court terme et de production de masse. La démarche repose sur le respect de chacun et l’équilibre global. Si cet équilibre n’est pas atteint, ce n’est pas la faute de la démarche, mais plutôt des équilibristes qui jouent avec…
C’est donc bien une culture prendre en exemple pour sortir de cette « situation alarmante ».
Enfin un livre sur ce sujet qui empoisonne le marché du travail français depuis prés de 20 ans.
Est-ce les lois trop contraignantes ou l’avidité de personnage sans éthique et sans morale ? Mais le fait est, que l’industrie française a donné naissance à ces SSII. Au détriment de ses droits et de la valeur de son travail, l’ingénieur français vient remplir les caisses de ces sociétés de « traite » souvent tenu par des personnes peu scrupuleuses et enclins à toutes les méthodes pour tirer un revenu de cette exploitation humaine (revente en cascade, faux CV, …).
Aujourd’hui à 42 ans je regarde avec amertume les années passées à travailler pour ces SSII.
A qui la faute ? le législateur certainement, car les lois sont : soit mal faites ou soit mal appliquées. Mais à mes yeux, le Synthec a la grande responsabilité de fermer les yeux sur ce « marchandage intellectuel », pourtant interdit qui touche quasi 100% des entreprises inscrites. Enfin les prud’hommes sont particulièrement laxistes avec ces SSII sur les motifs de licenciements souvent peu consistants. Cet environnement produit un « interim de luxe » qui satisfait les industriels et les dirigeants de SSII, mais qui va à l’encontre du sens de la loi et du droit des ingénieurs français (formation, obligation des employeurs, ….).
Il faut néanmoins distinguer les grosses SSII des plus petites. En effet les grosses cultivent un vrai “savoir faire métier” et sont sensibles à l’évolution de carrière de leur salariés. Est-ce dû à la présence de syndicats, de CE puissants ou à une simple volonté de leur pérennité ? Les plus petites, en revanche, ont la simple optique de faire un beau coup , sans se soucier de l’après mission. En effet pour des petites structures il est assez simple de licencier pour raison économiques dès qu’un salarié est en inter-contrat.
Et quand l’industrie se met à faire défaut, et que les périodes hors missions se prolongent, on pousse les consultants à la faute pour les faire partir. Le malheur c’est que 95% de l’emploi ingénieur aujourd’hui passe par ces SSII. C’est un non-sens.
Est-ce qu’il a été question, à un moment ou à un autre, dans l’étude, de considérer que tous les secteurs sont en crise et que le problème d’exploitation salariale dans les SSII n’est peut-être pas lié au secteur ou à l’activité mais tout bêtement conjoncturel ?
Par ailleurs, l’age d’or est-il révolu (ce moment, qui existait encore il y a 5/6 ans, ou on pouvait claquer la porte en étant à peu près sur de retrouver un job, souvent mieux payé, dans une autre boite en moins de deux semaines ?
Pour ma part, j’envisage bien d’autres formes de travail que l’intégration dans de « grandes structures prestigieuses », et je vend moi-même mes fesses à mes clients, ce qui me va (pour l’instant) fort bien.