Le patronat informatique se fait passer pour moderne

Au XXI§me siècle comme au XIXème, même combat pour le patronat !

Le 09 novembre dernier, il y a eu un petit changement dans le patronat informatique. La branche historique du Medef a changé de nom ! « Syntec informatique devient Syntec numérique : la chambre syndicale, à l’image des entreprises qu’elle représente, poursuit ses transformations et entre dans une nouvelle dynamique », clame la propagande officielle dans son communiqué de presse. Malheureusement, le Syntec qu’il soit informatique ou numérique reste toujours aussi rétrograde.

Le logo est dorénavant gris chromé (symbole de modernité ?) et vert bouteille (symbole de développement durable ?) pour ce grand changement de fin d’année : le Syntec informatique n’est plus, vive le Syntec numérique !

Pour situer les choses, le Syntec informatique est une branche du Medef fondé par Ernest-Antoine Seillère. Je précise rapidement que, dans le cadre du livre, personne au Syntec n’a souhaité répondre à mes questions. C’est donc Bernard Vivier, le président de l’Institut Supérieur du Travail, qui s’y est collé. « Avec la tertiarisation de la société, il y a eu une montée du Syntec (au Medef, NDLR) qui crée des frottements notamment avec l’UIMM », explique-t-il. La puissante force patronale qui baigne dans l’affaire des caisses noires du patronat se voit donc concurrencer dans son fief. Si le Syntec compte peut-être y prendre sa place, il est pourtant tout aussi rétrograde sur le volet social.

Si aujourd’hui les salariés en général, et ceux des SSII en particulier, semblent désemparés face au rouleau compresseur patronal, les dirigeants, eux, ont appris de l’histoire. L’UIMM a, en son temps, fait face aux sidérurgistes qui, après des années de lutte, ont mis en place la convention collective de la métallurgie, une des plus protectrices.

Quand l’informatique s’est développée, le patronat avait déjà cet exemple en tête. Il a donc concocté sa convention Syntec qui prône le moins disant social. Et le Syntec numérique ne compte pas en rester là !

Dans un document de positions, son testament social en quelque sorte, le feu Syntec informatique émettait des propositions claires comme le rappelait L’Humanité le 02 mai 2004 (« Virville l’a rêvé, Syntec le fait » de Pierre-Henri Lab). Ainsi, après avoir déjà crée cette aberration sociale qu’est le Contrat à Durée Indéterminé de Chantier (CDIC), le Syntec voudrait que l’employeur puisse user d’une « mise en congés d’office » quand le travail se fait plus rare et pourquoi pas instaurer un « licenciement pour inadaptation aux conditions du marché «  ?

En clair, les SSII baigne dans le XXIème siècle technologique au XIXème siècle social ! L’objectif du Syntec, c’est de remettre en cause petit à petit l’ordre social en entreprise pour en revenir à des méthodes du XIXème siècle. Il veut individualiser au maximum les relations entre patron et salarié. Ce qui induit de se passer des garde-fous collectifs comme les syndicats et le Code du Travail. Le grand rêve du Medef ! Alors quand est ouverte la porte de l’indépendance comme piste de sortie pour les ingénieurs, il faut la refermer aussitôt pour revenir sur du collectif.

Comme en plein « 1984 » d’Orwell, le Syntec informatique a donc un nouveau nom et un fringant logo enjolivé par un slogan sorti tout droit de la novlangue patronale : « Des entreprises qui changent le monde. » C’est certains, le monde de l’entreprise tel qu’on l’a construit après la Seconde guerre mondial change. Mais, c’est pour mieux reculer d’un siècle et demi.

A propos Nicolas Séné

Nicolas Séné, journaliste indépendant spécialisé dans les questions sociales, a recueilli une foule de témoignages. Il démontre, exemples vécus à l’appui, comment les cadres des SSII sombrent d’année en année dans un marasme professionnel, moral et personnel de plus en plus profond. Un malaise nouveau, typique du capitalisme actuel, dont personne ne semble avoir encore pris la mesure.
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